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Quels facteurs sociaux disposent les jeunes adultes à la transition écologique?

March 2, 2022

On parle beaucoup de transition écologique comme du développement durable : un terme mystérieux, qui touche tout le monde sans rejoindre la majorité. Il semble désigner une réalité lointaine, ou un ensemble confus d’objectifs inaccessibles. Le concept de transition écologique, lancé par Rob Hopkins, consiste à réorienter les systèmes, les sociétés et les mentalités vers un mode de vie qui prend en compte et respecte les limites de l’environnement. Bien qu’on ne puisse se soustraire à notre impact environnemental, il n’est pas toujours évident de prendre sa responsabilité écologique en main et de passer à l’action. Quels facteurs sociaux disposent les jeunes adultes à adopter des comportements écoresponsables?

Facteurs culturels


La conscience écologique

Il est possible d’affirmer que la majorité des ménages des pays industrialisés ont une conscience écologique.

- Le mode de vie zéro déchet gagne en popularité au Québec : la majorité des répondant.e.s de l'étude de 2019 par l'OCR- Observatoire de la Consonmmation Responsable affirment utiliser fréquemment des contenants réutilisables, refuser des sacs en magasin et acheter des produits moins emballés. Plus de 60% des répondant.e.s sont favorables à une interdiction de vendre certains produits en plastique à usage unique (pailles, emballages fruits et légumes, sacs plastique).
- L'étude internationale de 2011 de l'OCDE permet d'arriver à la conclusion que le public se dit prêt à en faire plus pour aider la planète, mais ne sent pas qu’il dispose des outils nécessaires. Pour en optimiser l’impact, il est essentiel de considérer l’opinion des ménages sur les mesures, et de les informer par rapport à l’évolution de celles-ci. Toutefois, Martin & Gaspard affirmaient dans leur article de 2017 que pour modifier un comportement particulièrement ancré, il faut faire plus qu’apporter de l’information.


Les croyances

Les croyances ont un impact considérable dans les décisions écologiques des ménages (OCDE).

- Il semble que les individus ont des priorités et des croyances différentes d'un pays à l'autre, qui semblent refléter les priorités nationales. Par exemple, les Canadien.ne.s perçoivent la pollution de l'eau comme la priorité mondiale, alors que les priorités sont différentes dans les pays qui ont peu d’eau potable.
- Une mesure inadaptée sera inefficace, tandis qu’une exposition à une pluralité de mesures dispose les familles à en utiliser une ou plusieurs. La mesure la plus abordée dans le rapport de l’OCDE est la modification des prix des biens ou services, que ce soit sous forme de subventions pour les habitudes écoresponsables ou de taxe sur les produits ou services considérés nuisibles). La réglementation directe est fréquemment utilisée, mais elle finit souvent par causer des injustices envers les groupes vulnérables.
- Au Canada, les jeunes sont les plus préoccupés par le sort de l’environnement (moins de 40 ans) . Dans l’ensemble des pays, les jeunes adultes (18-24 ans) affirment gaspiller davantage de nourriture que les autres tranches d’âge. Étrangement, ce sont les jeunes Canadien.ne.s les plus nombreux.ses à être d'accord que c’est aux générations futures de régler les problèmes environnementaux.


Les normes

Le conformisme social joue un rôle important dans la modification des comportements (Martin & Gaspard).

- L’ensemble des disciplines évaluées considèrent l’influence de la collectivité, les modes de vie, la motivation, la vulgarisation scientifique, les acteurs clés comme les producteurs et les grandes tendances sociétales dans une vision plus holistique et réaliste des possibilités de changer durablement les comportements.
- Quoi qu’il en soit, l’environnement passe encore au second plan : dans tous les pays étudiés par l’OCDE, les problèmes économiques restent une priorité (OCDE).


Les facteurs économiques


La perception des produits et des entreprises

Toutefois, ce n’est pas parce que les citoyennes et citoyens priorisent l’économie qu’iels font nécessairement confiance aux acteurs économiques pour les guider dans leurs choix de consommation :

- Les croyances ont un fort impact sur le changement ou la conservation des habitudes, au point où le niveau de confiance accordée à la source d’une information influence plus les décisions des ménages que leur crédibilité (OCDE).
- Promouvoir le capitalisme vert et la consommation écoresponsable est insuffisant. Pour être efficaces, les pratiques d’instauration de comportements écologiques nécessitent une prise en compte globale et multidisciplinaire du contexte dans lequel l’individu évolue et de ses comportements déjà établis (Martin & Gaspard).


Les habitudes préexistantes de consommation

En général, les Québécois.e.s adoptent des habitudes de consommation responsables.

- Ils/elles considèrent qu’il n’est pas facile de trouver des produits écoresponsables, surtout pour les appareils électroniques, les vêtements et les produits d’hygiène (OCR). On constate qu’ils.elles considèrent l’environnement dans l’achat de produits d’entretien ménager. On observe également une diminution de la consommation de viande rouge chez la moitié des répondants, surtout chez les jeunes femmes.
- La seule mesure écologique vraiment implantée au Québec est le recyclage. Les habitudes écoresponsables les plus populaires en 2019 concernent le recyclage, la protection des animaux, la consommation locale et la déconsommation. 43% des répondants cherchent des moyens de réduire leur impact environnemental.
- La majorité des jeunes adultes (18 à 24 ans) n’ont pas le sentiment de consommer de manière responsable. Chaque tranche d’âge a ses habitudes favorites. Les 18-24 ans étaient et restent les plus grands utilisateurs de transport en commun. Aujourd’hui, ils sont également actifs en matière de protection des animaux et d’alimentation durable.


Les facteurs familiaux


Les valeurs

Certaines valeurs cruciales à la transition écologique ont été identifiées par Dartiguepeyrou,2013.

- Elles se divisent en trois groupes : celles liées à une conscience écologique et sociale accrue (diplomatie, initiative, collaboration, partage, égalité des genres, respect diversité culturelle et écologique, dynamisme, transparence, gouvernance internationale), à un imaginaire créatif (altruisme, empathie, interdépendance avec le reste du vivant, curiosité, prise en compte holistique de nos besoins, à la solidarité écologique (intuition, connaissance, confiance, écoute, quête de sens, dignité), et au créatif culturel (authenticité, vérité, empowerment, émancipation, expression de soi, éducation, idéalisme, honnêteté).
- Il semble y avoir un côté intersectionnel à la responsabilité. On observe également un lien entre les comportements responsables socialement (comme faire partie d’une association) et ceux responsables écologiquement (comme la propension à agir pour l’environnement indépendamment des efforts des autres) (OCDE).


Comportements et préjugés

L’économie comportementale et expérimentale considère que les biais cognitifs influencent le fonctionnement humain et la prise de décision, de même que la rationalité biaisée ou limitée entre autres par nos peurs et notre paresse (Martin & Gaspard).Dupré, Dangeard et Meineri ont exploré les différentes méthodes de sensibilisation locale à l'écoresponsabilité dans une étude de 2014 (2014).

- Le conditionnement opérant est une méthode incitative classique pour modifier ou insuffler un comportement. Cette méthode fonctionne sur une courte période pour augmenter des comportements déjà présents, mais pas vraiment pour créer de nouvelles habitudes.
- Les stratégies persuasives, longuement étudiées, fonctionnent surtout dans des contextes où l’emphase est mise sur l’aspect altruiste des comportements, et que l’approche informative est adaptée aux besoins, aux valeurs et aux intérêts du public cible. Toutefois, elles ne permettent pas non plus de modifications durables des comportements.
- Les stratégies comportementales mettent l’emphase sur le développement et l’intégration progressifs de comportements complémentaires. Après l’intégration d’un comportement préparatoire relativement simple, souvent un genre de contrat comportemental, le comportement visé est intégré. Dans ces conditions, le second comportement a plus de chances d’être conservé sur le long terme.
- La rétroaction permet, jumelé à d’autres stratégies, de concrétiser les résultats de l’adoption des comportements en comparant l’évolution de ses propres comportements ou en comparant ses comportements avec ceux des autres.


Les données relevées démontrent qu’il existe de multiples facteurs, dont la conscience écologique, les habitudes, les croyances, les valeurs et les comportements préexistants, qui peuvent prédisposer les jeunes adultes à entamer une transition écologique à l’échelle individuelle et collective. Au vu des données analysées dans le cadre de cette étude, l’adoption d’une approche intersectionnelle des enjeux écologiques et sociaux dans les dynamiques familiales, organisationnelles et sociales pourrait faciliter grandement la transition écologique au Québec et ailleurs.



Bibliographie

Réseau Action Climat France. (1996). Notre système climatique.
Transition Network. (2021). Transition Near Me.
UNESCO. (2017). L’Héritage du Printemps Silencieux de Rachel Carson.
Andrieu, B. (2021). Au contact du vivant : vers une danse émersive. Repères, cahier de danse, 1(1), 27-30.
Dartiguepeyrou, C. (2013). Où en sommes-nous de notre conscience écologique ?. Vraiment durable, 2(2), 15-28.
Dupré, M., Dangeard, I. & Meineri, S. (2014). Comment sensibiliser localement à des pratiques écoresponsables ?. Gestion, 4(4), 151-155.
Martin, S. et A. Gaspard (2017). Les comportements, levier de la transition écologique : Comprendre et influencer les comportements individuels et les dynamiques collectives. Futuribles, 419(4), 33-44.
OCDE- Organisation de coopération et de développement économiques (2011). Politique de l'environnement et comportement des ménages. Éditions OCDE. 217 p.
Oudot, J. & de l’Estoile, É. (2020). La transition écologique, de Rob Hopkins au ministère. Regards croisés sur l'économie, 1(1), 14- 19.
OCR- Observatoire de la Consommation Responsable. (2019). Baromètre de la consommation responsable: édition 2019.
Green, H. (2019, 25 février). Ecology: Crash Course History of Science #38 (Vidéo)

Ressources complémentaires

Office québécois de la langue française. (2010). Vocabulaire du développement durable.