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Transcription É1 Podcast d'Éco Alternatives

November 10, 2022

Bonjour, bienvenue à ce premier épisode du podcast d’Eco Alternatives, où l’on aborde l’environnement sous un angle humain et accessible. Ce podcast vous est présenté par ecoalternatives.ca, le dictionnaire québécois des alternatives écologiques aux produits et services conventionnels. Mon nom, c’est Émie, cofondatrice d’Éco Alternatives. Le but de ce podcast, c'est de donner la parole aux citoyennes et citoyens qui tentent de mettre sur pied et d'intégrer à leur quotidien des habitudes, des produits, des mentalités plus écoresponsables. Chaque épisode portera sur un sujet différent, qui sera traité avec un ou une invitée qui nous partagera son point de vue. Ensemble, nous pourrons explorer et exposer les initiatives écologiques qui existent déjà mais qui manquent de ressources ou de visibilité par exemple, et on va tenter de trouver des solutions réalistes à des problèmes concrets dans des contextes humains précis. Aujourd’hui, on parle de la place de l’environnement dans le système scolaire avec Léa Breton, enseignante au primaire.

Émie - Bonjour Léa, ça va bien?

Léa - Oui bonjour! Ça va bien et toi?

É - Oui, merci! Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais que tu nous parles un peu plus de toi, ton parcours et n'importe quelle information que tu peux trouver intéressante.

L - [Rire] Oui. Comme tu l'as dis, je suis enseignante au préscolaire et au primaire depuis 2021. J'ai terminé mon bac en 2021. Je suis rentrée en plein dans la pandémie. Le début de ma carrière d'enseignement. Donc, ça ne fait pas très longtemps que j'enseigne, mais j'ai fait déjà beaucoup de classes, beaucoup d'écoles. Parce qu'on le sait, en début de carrière, on se promène beaucoup. On n'a pas notre permanence tout de suite. J'ai déjà rencontré beaucoup d'élèves, vu beaucoup de situations. J'ai pu constater certaines choses et je trouve que c'est intéressant de participer à votre podcast pour pouvoir discuter ensemble de certains enjeux qu'on rencontre.

É - Des pistes de solution peut-être.

L - Oui!

É - Parfait. Pour introduire rapidement, j'aimerais savoir : pour toi, c'est quoi la justice écologique? Parce que c'est un concept dont on n'entend pas beaucoup parler donc j'aimerais avoir ton opinion là-dessus d'entrée de jeu.

L - Comme tu dis, on n'en entend pas beaucoup parler. Moi, avant que Eco Alternatives m'en parle, ce n'était pas un terme avec lequel j'étais familière. Pour moi, la justice écologique, ça résonne beaucoup avec la justice sociale, dans le sens où les gens souvent les plus touchés par les enjeux environnementaux, c'est souvent des personnes plus défavorisées. S'il y a une catastrophe, les populations qui vont avoir le plus de difficultés à s'en remettre, par exemple, une catastrophe naturelle due aux changements climatiques, ça va souvent être des populations plus défavorisées.

Aussi, ce sont souvent celles qui sont le plus marginalisées puis qui sont moins prises en considération quand il y a des décisions qui sont prises au gouvernement, justement, par rapport à des mesures par rapport à l'environnement, pour favoriser des comportements écoresponsables. J'ai l'impression qu'elles n'ont pas beaucoup de place dans ces décisions-là.

Je trouve aussi que toutes les ressources, toutes les sources d'informations puis l'éducation qu'on a par rapport à l'environnement et à l'écoresponsabilité, c'est pas accessible pour tous. J'ai l'impression que ça prend quand-même un certain niveau d'éducation, il faut quand-même faire partie d'une certaine classe sociale pour être conscients de ces enjeux-là, puis savoir comment prendre action. Donc, je trouve que la justice environnementale, la justice écologique, c'est beaucoup d'essayer de rendre ça accessible pour tous, peu importe le milieu d'où ils viennent, peu importe leur classe sociale, leur environnement socio-économique, dans ce sens-là.

É - Oui. Au départ, avant de découvrir la notion de justice écologique, aussi appelée justice climatique, justice environnementale, c'était aussi le point qui me rejoignait beaucoup. C'est vraiment vers ça que ça tend. Il y a beaucoup d'intersectionnalité, comme tu l'as mentionné toi-même, entre la justice sociale et la justice écologique. On parle de privilèges, on parle d'inégalités qui se manifestent et qui empirent aussi. Les enjeux environnementaux empirent les inégalités sociales, et les inégalités sociales empirent aussi les inégalités liées à l'environnement, dont l'accès aux ressources, et l'accès, comme tu as dit, à l'information en général aussi.

Sinon, dans mes recherches, ce que j'ai découvert par rapport à la justice écologique, c'est que c'est vraiment pas très concret. C'est vraiment pas quelque chose qu'on entend régulièrement, même dans les milieux plus spécialisés en lien avec l'environnement. On en parle autant en termes de droit et devoir, ce qu'on donne à la nature en échange de ce qu'elle nous donne.

L - Oui.

É - Dont la responsabilisation des citoyens, des citoyennes, par exemple. Mais il y a aussi tout un aspect légal de la chose. Pouvoir poursuivre des institutions, gouvernementales ou non gouvernementales, par rapport à leur empreinte écologique.

L - Ha!

É - Par exemple, Environnement Jeunesse, ou ENJEU, c'est un organisme qui, en 2018, a tenté de poursuivre le gouvernement du Canada pour inaction climatique. Malheureusement, en début 2022, on a appris que ce mouvement-là n'a pas abouti, puisque l'appel pour l'action collective a été refusé. C'est sûr qu'en même temps, les systèmes qui sont accusés ne vont pas laisser nécessairement l'opportunité de s'accuser eux-mêmes.

L - Non, c'est ça! [Rire]

É - Ça soulève beaucoup d'enjeux, et ça démontre encore une fois les inégalités qu'il y a à l'accès à l'information, l'accès à l'éducation, autant au point de vue de ses droits que de l'environnement, de ce que la nature peut nous apporter. Au niveau de l'indépendance ou de la satisfaction... de culture générale. C'est un enjeu quand-même complexe et puis il nous reste encore beaucoup de chemin à faire pour le définir tous ensemble.

L - Il est encore relativement abstrait. Je pense que c'est assez nouveau comme terme aussi.

É - C'est ça, exactement. Ce qu’on entend plus parler, nous, dans le quotidien, c’est plus le développement durable.
L – Oui
É – La pollution ou des choses comme ça, c’est des termes, des choses qui font plus partie de notre quotidien. J’aimerais ça savoir, Léa, comment est-ce que t’appliques les principes de justice écologique, de développement durable ou de conservation de l’environnement au sens plus large, dans ton enseignement? Ou tout simplement dans ton quotidien! Est-ce qu’il y a des mesures ou des règles qui sont mises en place à ton échelle, donc chez toi, par exemple, ou dans ta classe , ou dans l’école où tu as travaillé plus récemment, dans la commission scolaire?
L – Si je regarde à l’échelle de la commission scolaire, honnêtement, il n’y a pas beaucoup de mesures vraiment mises en place. Je te dirais que, selon mon expérience à date, ce que je constate beaucoup c’est que ça dépend des choix puis de l’éducation personnelle des enseignants et enseignantes. Ce qui se fait dans les écoles, ça dépend vraiment des équipes. J’ai l’impression que ça se fait de façon vraiment plus…
É – Intuitive?
L – Oui! Parce que, premièrement, dans notre formation, on n’a rien qui parle d’environnement. Moi, dans mon Bac, jamais qu’ils m’ont parlé de l’éducation en lien avec l’écoresponsabilité, en lien avec l’environnement, le développement durable. Jamais qu’on a parlé de ça.
Il n’y a pas grand-chose dans le programme [enseigné au primaire] non plus qui parle de ça. Évidemment, quand on arrive en classe, à l’école, dans le programme, il n’y a pas grand-chose. Puis les écoles et les commissions scolaires, ça varie vraiment d’une année à l’autre. Par exemple, je sais qu’en Estrie ils sont beaucoup plus… ils sont moins reculés que nous ici [en Beauce] par rapport, juste au recyclage, compost, tout ça. Dans les écoles, ils ont une façon de séparer leurs bacs, ils ont une façon de séparer leurs déchets. C’est quelque chose qui est appris à l’école assez tôt. Nous, on a beau l’apprendre à nos élèves, ça va être un choix personnel puis ils ne vont pas le pratiquer à l’école, on va pas faire du compost à l’école. Tu comprends?

É - Oui.

L - C'est pas quelque chose qui est mis en place par la direction, par le centre de services ou par le ministère de l'Éducation. À cette échelle-là, il y a pas grand chose. C’est vraiment nous, personnellement, ce qu’on décide de faire. Cependant, il y a beaucoup d'enseignants et d'enseignantes qui ont ça à coeur, évidemment. Parce que j'ai l'impression que ça rejoint beaucoup les valeurs générales que ça prend pour devenir un enseignant. Je veux dire, quand on devient enseignant/enseignante, on est conscients que les jeunes vont prendre les décisions de demain, que ça va être eux les citoyens, que c'est eux qui sont responsables de leur avenir et du nôtre et de celui de la planète. On veut vraiment les équiper, les outiller le plus possible pour qu'ils puissent faire face à tout ce qui s'en vient dans les prochaines décennies.

Les enseignant/e/s vont de plus en plus inclure des projets, que ce soit des projets de recherche ou plus des projets plus pratiques dans leur enseignement, par rapport à l'environnement. Moi, dans ma classe, il n'y a pas... je ne peux pas avoir une règle qui va dire : Dans ma classe, on ne prend pas tel type de contenant à l'heure de la collation, parce que je ne vais pas commencer à réglementer ce que les parents achètent chez eux et ce à quoi les enfants ont accès. Mais, quand c'est des contenants de compote ou de yogourt, je les garde tout le temps. Je les garde tout le temps, parce que on fait tout le temps de la peinture, on sépare des petits objets. Il y a toujours des trucs, surtout au primaire et au préscolaire. Ça fait que j'ai un bac. Les plats, on les lave, on les ramasse. Juste ça au moins ça réutilise, même si c'est quand-même des petits contenant jetables en plastique qui ont été produits. Au moins, il sont utilisés plus qu'une fois. C'est plus par les petits gestes comme ça.

É - Oui oui, ça rentre dans la revalorisation des déchets, comme on peut dire.

L - Oui, c'est ça. Il y a aussi les masques. Ça peut sembler un peu… c’est vraiment rien. Parce qu’à la quantité de masques qu’on a utilisé pendant la pandémie, c’est terrible la quantité de déchets qu’on a produits dans les écoles. J’ai eu une discussion avec mes élèves dans chacun de mes groupes sur le fait que c’est important de ne pas gaspiller les masques. Parce qu’il y en a qui aimaient ça sortir dehors, tirer dessus, les briser. Ils revenaient de la récréation pis ils disaient : « Ah, mon masque est brisé, ça m’en prend un autre! » Ok! On en donne un autre. Ils en ont déjà deux par jour. Mais quand tu en passes 5-6 par jour parce que tu t'amuses à tirer dessus… Ça gaspille beaucoup, ça fait beaucoup de déchets. On a parlé de ça, on a parlé de où est-ce que les masques se retrouvent après que tu les ai envoyés dans la poubelle, des choses comme ça. Je leur faisais tout le temps tirer les tirer les cordes, détacher les cordes parce que j’ai lu à quelque part que ça pouvait aider à ce que ça ne soit pas pris dans les pattes ou autour du cou d’un animal. C’est des choses comme ça… je peux pas empêcher qu’on jette les masques à la poubelle, évidemment, mais au moins si je peux les conscientiser, c’est déjà ça!
É - Non, c’est sûr! Pis en même temps, toutes les opportunités, qu’elles soient liées à l’environnement ou non, sont bonnes d’être prises pour éduquer.
L - Oui.
É - Éduquer les enfants sur les bonnes habitudes, les bonnes attitudes à adopter pour être, comme tu le mentionnais plus tôt, les préparer à être des citoyen/ne/s mieux outillé/e/s pour naviguer la société pis en faire une belle société, bref.
L - Oui. Aussi, par exemple, j'aime beaucoup avoir des discussions, même quand on voit un sujet plus séparé du reste, quand on voit une règle par rapport à la lecture par exemple et qu'on lit un texte, j'aime ça quand-même glisser un petit texte assez pertinent, assez informatif, qui amène une discussion éthique un peu. Je trouve que ça aide les élèves à retenir l'information quand on en discute après et qu'on rattache ça plus à leurs émotions, à leur vécu et à leur ressenti puis à ce qu'ils connaissent. Mais aussi je trouve que ça a un plus gros impact. Si on travaille les inférences en lecture en français, on peut quand-même amener un texte sur la déforestation pis avoir une discussion là-dessus après. Mais ça se joue plus à ce niveau-là je dirais à l'école.
É - Si je comprends bien, tu es vraiment laissée libre. C'est une initiative qui doit être prise par l'enseignante ou l'enseignant spécifiquement dans sa classe pour un projet vraiment précis. C'est une décision de tous les jours qui revient, qui repose, bref, sur les épaules du personnel enseignant?
L - Oui, oui. En tout cas, dans mes écoles, ce que j'ai connu, c'était ça.
É - Ok. Je fais un peu un parallèle avec notre parcours scolaire à nous, au primaire, qui date déjà d'une bonne quinzaine d'années.
L - Ouf! Ouin [rire].
É - J'ai pas l'impression que ça a changé vraiment. C'est sûr que je me souviens pas de toutes les journées de ma maternelle mais [Léa rit], quand-même, il me semble que c'était aussi laissé beaucoup aux enseignants de diversifier le contenu qui nous était enseigné. Ça faisait que ça variait énormément d'une année à l'autre, d'une classe à l'autre, d'un niveau à l'autre. Je me souviens qu'au final, en première année, on avait fait éclore des papillons une fois pis que rendu au secondaire, dans les examen du ministère, les mises en situation des problèmes de mathématique avaient un lien avec les événements météorologiques extrêmes pis c'est tout, il y a comme un vide entre les deux.
L - [Rire] Ça ressemble à ça, très honnêtement. Moi aussi, de ce que je me rappelle, on a tous fait les papillons, on a tous fait pousser quelque chose que ce soit comme un tournesol ou un petit plant de tomates ou un petit plant de haricots on a tous fait ça, Les chanceux dans les écoles ont eu des poussins. As-tu déjà eu des poussins à ton école?
É- Non. J'aurais bien aimé mais non. On ne faisait pas partie des chanceux.
L - Ma belle-mère en a eu dans sa classe et ça c'est bien parce que ça montre... les enfants ils voient un petit être vivant et ils veulent leur faire attention. On voit qu'ils ont vraiment le souci de bien faire pis de bien s'occuper de tout ce qui est vivant. C'est vraiment adorable et ça amène des belles discussions sur ce dont les animaux ont besoin pour bien vivre pis c'est quoi les besoins qu'ils ont en commun avec nous. On vient qu'à parler de l'interdépendance qu'on a avec tous les êtres vivants et la planète. C'est vraiment intéressant. Mais comme tu dis, il y a un énorme trou [rire] où est-ce que j'ai l'impression qu'on n'a pas fait grand chose. Au secondaire, j'ai eu la chance d'être dans un programme des Citoyens du Monde. Ça le dit dans le nom, nos enseignants étaient tous très très éco-conscients. Ils étaient très impliqués. Eux, la technologie, tous les enjeux environnementaux et sociaux et économiques, ça les intéressait. Ça, j'ai vraiment été chanceuse parce qu'on a fait des petits projets par rapport à ça ici et là. Mais je constate qu'au primaire... rien. C'est le désert [rire].
É - Quand-même, ça me surprend. J'aurais cru qu'en 15 ans il y aurait eu au moins 2-3 projets imposés quelques chose [rire]. Planter une fleur un moment donné [rire].
L - C'est à cause que c'est même pas par rapport à l'environnement en soi. Par exemple, planter un végétal. On a toute fait ça un moment donné. L'affaire, c'est qu'en Science et technologie, il y a des savoirs essentiels. Les savoirs essentiels, si je peux l'expliquer brièvement, c'est comme une liste de connaissances, de savoirs et de savoirs faire, je dirais, que l'enfant doit apprendre de façon hiérarchique d'ici la fin de son primaire. Ça, c'est dans un document que nous, les enseignants, on utilise comme référence quand on planifie. Chaque élément s'appelle un savoir essentiel. En Science et technologie, il y a des savoirs essentiels par rapport aux éléments qui sont nécessaires à la vie d'une plante, à chaque partie...
É - Chaque partie de la biologie de la plante, bref.
L - Oui, de biologie de la plante. Les racines, qu'est-ce que c'est? Ça sert à quoi? Le pistile, qu'est-ce que c'est? Ça sert à quoi? C'est tout le temps une belle manière de l'apprendre de faire pousser quelque chose. Après, si ça ne pousse pas, de se poser la question : qu'est-ce que j'ai fait? Est-ce que j'ai mis trop d'eau? Est-ce que j'ai pas mis assez de terre? Est-ce qu'elle n'a pas eu assez de soleil? Des choses comme ça. Ça, on a tous fait ça un moment donné. C'est des petits savoirs comme ça qui sont, pour ainsi dire, garrochés dans le programme un peu. J'ai enseigné l'éthique au primaire au premier cycle, donc en première année et deuxième année, principalement en première année. On a appris c'est quoi les besoins des êtres vivants. Une fleur, c'est vivant. Les enfants ont appris ça. Ho! Les végétaux, c'est vivant. Ça a besoin de soleil, comme nous. On fait des liens avec les humains pis avec les animaux. Après ça, on arrive au fait que on est tous dépendants les uns des autres. Ton chien, tu lui apportes de l'eau parce qu'il l'a soif. Et ça l'aide lui avoir de l'eau. Tu lui donnes de l'affection. Mais c'est des petits situations précises vu qu'ils sont très jeunes. On ne va pas trop large. C'est des petites affaires comme ça qu'on leur apprend. Sauf qu'il n'y a pas comme de projet obligatoire. Il n'y a pas comme un examen du ministère à la fin qui dit : « Il faut que tout ça soit maîtrisé en lien avec l'environnement, en lien avec la nature, en lien avec le développement durable. » Il manque un bout. Je trouve que ça prendrait une compétence. On pourra peut-être, la je vais m'étaler mais, je trouve qu'on n'en a pas assez de place pour l'environnement déjà prescrite dans le temps, dans l'horaire, dans la formation.
É - Il y a clairement place à l'amélioration.
L - Oui, oui. Oui oui.
É - Je rebondis là-dessus, j'absorbe un peu tout ce qui a été mentionné. C'est certain que tout ce qu'on apprend et tout ce qu'on n'apprend pas à l'école nous influence dans notre façon de réfléchir et dans notre façon d'être une fois qu'on sort de l'école.
L - Oui.
É - Toi, par exemple, quand tu as eu un programme avec des enseignants, enseignantes, qui t'ont montré des valeurs riches, profondes qui t'on marquées, maintenant toi tu les prends ces valeurs-là pis tu tentes de les transmettre à tes élèves. Et tu intègres peut-être plus que tes collègues la justice sociale et écologique dans ta pratique. Mais ce qui est certain, c'est que tu l'intègres plus que ce qui est demandé par le ministère de l'Éducation.
L - Oui. Oui, je dirais ça. Je veux dire, je pense que le ministère en n'impose pas beaucoup à ce niveau-là. Il y a beaucoup d'exigences : en français, en math, c'est des notions qui sont les premières à être enseignées. Depuis le début de l'école, on enseigne aux enfants comment faire de la grammaire, comment utiliser des algorithmes. Sauf que on s'entend que c'est assez récent que l'environnement, c'est quelque chose dont on parle en général. Récent dans l'Histoire je veux dire. Donc, mes collègues enseignantes, enseignants que ça fait 20 ans qu'ils enseignent, si ça fait 20 ans qu'ils enseignent, ça fait peut-être juste 10 ans qu'ils se sont fait dire : « Ho! Ça, ça serait important qu'on leur en parle ». C'est déstabilisant [rire]! J'en ai vu des collègues qui ont fait des beaux projets. J'avais une collègue qui cette année elle enseignait dans une classe de 3e et 4e année. Elle, elle a vraiment le pouce vert. Appelons là Denise. Denise, c'est une passionnée du jardinage. Chez elle, elle a des plants et des plants. C'est fou. À l'automne, elle nous amène des légumes dans le salon du personnel, en caisses. Donc elle, elle utilise ces connaissances-là, cette passion-là qu'elle a. À la fin du printemps, elle a fait son projet de serre avec ses élèves. Dans sa classe, elle a tout emménagé. Elle avait des grosses échelles avec des petites plaques, pis y'ont fait des semis. Ils ont fait un gros projet, et ils ont fait pousser des piments forts, des poivrons verts, rouges. Il y avait des tomates, des haricots. Il y avait une sorte de choux. Il y avait comme huit sortes de légumes.
É - C'est vraiment un projet complet là.

L - Ho oui! Après ça, si il étaient capables d'en récolter, parce qu'ils ont planté certaines choses qui se récoltent tôt, comme des haricots, ça se récolte rapidement, puis ils allaient en vendre. Je ne sais plus trop dans quel contexte, c'était comme un petit... En tout cas, c'était vraiment un beau projet.

É - Oui, c'est ça! C'est quand-même complexe, c'est quand-même complet aussi comme... ça inclut tellement d'apprentissages différents. Tellement concret aussi! C'est des choses qui vont toutes être utiles à chaque élève dans leur vie future à l'extérieur du cadre académique.

L - Oui, parce que c'est pas juste des connaissances théoriques. Ils sont passés à l'action et ils ont vu à quel point c'était plaisant de s'occuper d'un jardin pis de regarder ça pousser, pis comment ils étaient fiers d'eux. Comment ça apportait du bien autour d'eux. C'était vraiment... C'est beau et ça développe un sens de communauté aussi dans la classe. Ils s'occupaient de LEUR jardin, de LEUR serre, ils partageaient les responsabilités, ils ont tous un rôle à jouer, il ont tous de l'importance. Pis je trouve que ça, c'est important à développer quand ils sont jeunes parce qu'il faut qu'ils développent une appartenance à leur milieu en grandissant. C'est ça qu'il va faire qu'ils vont vouloir prendre action pis justement...

É - Le protéger, en prendre soin.

L- Oui, c'est ça, d'en prendre soin.

É - Ok. C'est vraiment... ça donne envie disons de passer à l'action. Il faut entretenir cette mentalité-là de bienveillance, j'ai envie de dire. Puis on voit clairement quand t'en parle que tu es vraiment passionnée de ça. C'est vraiment une priorité pour toi qui sort du cadre de tes responsabilités en tant qu'enseignante. Ça t'atteint vraiment en tant que personne. J'aurais envie de te demander : comment est-ce que ça changerait... bin pas ça changerait ta vie mais... Comment est-ce que ça t'impacterait, de quelles façons tu penses que ça pourrait t'aider à être qui tu es si le monde était plus écoresponsable en général?

L - C'est une bien grande question [rire] je te dirais. Premièrement, je pense que je serais moins anxieuse. Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui seraient moins anxieux si ça arrivait. Je pense aussi que je vivrais moins de frustrations envers... je dirais les gens au pouvoir en général. Je pense que si on prenait tous conscience de nos privilèges et qu'on apprenait à les utiliser à bon escient pour l'environnement, pour la société, ce serait vraiment fantastique. Si je regarde plus par rapport à l'enseignement, à ma carrière, c'est sûr que moi je ne suis pas devenue enseignante pour ma passion des notions scolaires [Émie rit]. Il y en a qui deviennent [rire] ... non mais il y en a qui adorent la langue française, qui adorent partager ça avec les autres, qui adorent transmettre cet héritage-là. Il y en a que c'est les maths, ils trouvent ça fascinant, ils trouvent ça stimulant.

É - T'es pas en amour avec ton contenu [rire].

L - Non, je suis vraiment pas en amour avec mon contenu. Et je constate que moi, le contenu avec lequel je suis vraiment en amour, c'est le contenu au préscolaire. Parce qu'au lieu d'être une approche plus par compétences, c'est une approche plus développementale. C'est beaucoup axé sur le développement global de l'enfant. Où est-ce que je m'en vais avec ça, c'est que je trouve que quand on tombe au primaire, quand on tombe dans notre vie de tous les jours, on perd un peu ça. On décide de développer des compétences ou d'apprendre des choses pour apprendre certaines choses mais en silo, comme juste pour dire : maintenant, je sais faire ceci, maintenant je sais faire cela.

É - Ça devient un peu comme une liste d'épicerie avec des cases à cocher, sans objectif concret, sans gratification immédiate.

L - C'est ça! Pis je trouve que quand on est très très jeunes, tout se développe ensemble. C'est très écosystémique. On apprend à socialiser pas le jeu, mais en même temps, on développe le langage, on développe nos habiletés motrices parce qu'on placote avec notre ami/e en faisant des bracelets pis c'est toute... Il y a déjà une enseignante qui m'a dit à l'université : « si vous avez eu l'impression que vous avez rien fait pendant votre maternelle pis que vous avez juste joué toute le long, c'est signe que vous avez vraiment eu un bon prof ».

É - C'est... c'est pertinent.

L - Parce que c'est ça qu'on est supposé de ressentir. Je me dis : « Hey, pourquoi c'est si plaisant la maternelle et qu'après ça, on tombe au primaire et au secondaire, pis que ça devient... Paf, ça devient lourd, ça devient difficile. » On arrive adultes, on est déjà blasés de tout ce qu'on s'est fait demander de faire, qui était jamais pour une raison qui nous motivait de façon intrinsèque, dans notre creux. On avait tout le temps l'impression qu'on faisait tout parce qu'on était obligé/e/s. Et là, on arrive devant des enjeux vraiment importants, sociaux et écologiques, comme par exemple la crise du climat dont on entend parler de plus en plus, tout ça. Et on se dit : « ok, mais comment j'agis par rapport à ça moi »? Il y en a qui trouvent pas la motivation d'agir parce qu'ils n'ont jamais appris à agir parce qu'eux étaient motivés. Ils ont jamais appris à agir d’une autre manière que : « bin si je suis obligé/e, je vais le faire ». Je pense que si...

É - On n'apprend pas à suivre nos passions, bref, suivre nos motivations intrinsèques. On apprend plus à les laisser de côté pour assumer les motivations extrinsèques, donc les motivations que notre environnement nous propose.

L - Oui, donc, qu'est-ce qui est récompensé comme comportement? Par exemple, si moi du jour au lendemain, je dis aux gens autour de moi : bon, j'adopte le véganisme. Je vis de simplicité volontaire. Est-ce que ça va être récompensé de façon extrinsèque? Non, vraiment pas, parce que les gens ont encore des préjugés.

É - Et ça rentre en conflit avec absolument tout ce qu'on a appris tout au long de notre vie, pas juste dans le système scolaire, aussi dans le système professionnel après coup.

L - Oui, c'est ça. Après ça, t'arrives puis tu prends cette décision-là, et tout autour de toi te dit que c'est tannant, que c'est pas la bonne chose, que « bin là, c'est compliqué, pourquoi tu fais ça? » Feck toi il faut que t'ailles une excellente motivation intrinsèque, tes valeurs, du fond de ton creux, il faut que tu veuilles vraiment faire ça. Pis c'est difficile parce qu'on a jamais développé cette capacité-là de s'écouter comme ça.

É - Exactement, et il y a aucun renforcement non plus de l'extérieur.

L - C'est ça. Ça fait que si... par exemple, on va revenir au début de ta question. Si, du jour au lendemain, je me levais pis qu'il y avait toutes les mesures que doivent être prises seraient prises, les gouvernements qui sont inactifs par rapport à l'environnement en ce moment, tout à coup ils s'étaient réveillés, ils avaient une révélation pis ils faisaient tout ce qui était nécessaire.

É - Ils demandaient l'avis des différentes communautés, des différents types de publics.

L - Oui, exactement. Je pense que ça ferait du bien à notre coeur à tout le monde. Je pense que ça nous aiderait, que ça nous encouragerait à suivre un peu plus ce qu'on ressent : nos intuitions, nos émotions, nos passions, nos valeurs. Parce que j'ai l'impression que l'environnement c'est un sujet qui est... c'est très fondamental, parce que... je vais dire humain. Humain, pas dans le sens que l'humain est au centre des idéaux écologiques, mais humain dans la sens où le désir de se soucier des autres, de quelque chose, la bienveillance, la coopération, je trouve que c'est toutes des valeurs qui se promènent main dans la main avec l'écoresponsabilité.

É - Oui! Oui, oui.

L - Puis c'est quelque chose qu'on a un peu perdu. On a un peu perdu contact avec ces valeurs-là. On n'en parle pu, et je trouve que ça viendrait nous reconnecter à quelque chose qui est très primitif mais très important. On devrait... primitif dans le sens que comme espèce, on existait avec ça. On vivait dans la nature avant de penser qu'on était au centre, en fait à la tête, de celle-ci.

É - Ça fait partie de notre identité, de notre ADN. Ça fait partie de qui on est de se soucier de la nature et la traiter comme un égal, la traiter comme une partie de soi autant que nous on est une partie d'elle.

L - Oui, c'est ça. Je trouve que ce serait vraiment apaisant, ça serait thérapeutique si tout d'un coup... il me semble ça serait si simple, hein? Ça serait si simple.

É - Ça règlerait beaucoup de problèmes en enlevant une charge mentale incroyable de plein de choses qu'on se rend pas compte nécessairement qui font partie de nos soucis quotidiens actuellement.

L - Oui, c'est ça.

É - Pis je trouve ça vraiment intéressant. Tu as mentionné que... quand tu parlais de l'école préscolaire, que le jeu ou les interactions, que c'est très écosystémique. Je trouvais ça très pertinent que tu aies utilisé ce mot-là, parce que les écosystèmes c'est un concept qui est attribué la plupart du temps à l'environnement. Pis c'est vraiment... c'est un parallèle que j'aime beaucoup, parce que je trouve également, je suis d'accord avec toi, que le fait qu'on cherche constamment à globaliser, à se distancier un peu les uns des autres, à se distancier de la nature, à se distancier de soi-même aussi quand il y a des choses difficiles à vivre ou à gérer. On oublie qu'au final, on a besoin les uns des autres pour vivre le quotidien, mais aussi pour se sentir en sécurité, pour se sentir écouté, pour se sentir validé, valorisé.

L - Bin oui, c'est toute très fondamental comme besoins.

É - Pis c'est des besoins qui sont pas nécessairement... qui sont pas du tout mis de l'avant, en fait, par la structure actuelle du système scolaire. Je peux comprendre que d'inclure des notions aussi douces, aussi émotives que celles liées... comme on a nommées précédemment : la solidarité, l'écoresponsabilité, la bienveillance. Je comprends que ce soit difficile à inclure dans un programme qu'il n'y a pas si longtemps était exclusivement fait de : « réponds à la question ou t'as une punition ».

L - [Rire] Ouais. Je veux dire, je pense que ça découle de la façon dont l'école québécoise a été construite. C'était beaucoup par rapport à la religion. Ensuite, on formait principalement des ouvriers puis là, on se rend compte de plus en plus que ce n'est vraiment plus pertinent d'enseigner comme ça. Si ça l'était v’la 40 ans, ça ne l'est plus aujourd'hui.

É - Oui, ça prend autre chose pour être préparé à affronter, mais pas seulement affronter, à vivre, à laisser aller pis à déconstruire aussi ce qui ne nous correspond plus au sein de la société actuelle.

L - Oui, je trouve que ce qu'on enseigne, c'est très important ce qu'on enseigne actuellement, mais je trouve qu'il devrait y avoir beaucoup plus de place pour enseigner aux enfants comment apprendre, comment être résilient puis s'adapter, comment être critique. Développer un esprit critique, se questionner, soi-même et les autres. Développer une relation avec les connaissances puis avec l'autorité qui est saine. Dans mes cours, ils disaient émancipatoire. Parce que quand on parle de s'émanciper, on parle de se libérer d'une forme de...

É - D’autodétermination, de liberté.

L - Oui, pis c'est de plus en plus important parce que les enfants qui grandissent en ce moment, dans une des formations que j'ai suivies, on nous a dit que la grande majorité vont pratiquer des métiers qui n'existent pas encore aujourd'hui.

É - Comment on peut préparer des jeunes individus à réinventer le monde pis à être heureux pis à trouver leur place dans une société qu'on ne connaît pas encore?

L - C'est ça. Donc, le mieux qu'on puisse faire, c'est de leur donner le plus d'outils possible pour qu'ils se fassent confiance, qu'ils trouvent la force, qu'ils trouvent les moyens par eux-mêmes de réaliser tout ce qu'ils auront à réaliser puis de faire face à tout ce à quoi ils devront faire face dans les prochaines années. Il y a beaucoup de belles choses qui s'en viennent, mais on ne se le cachera pas, il y a quelques crises ici et là qui s'en viennent [Émie rit] pis c'est pas rose.

É - Oui, pis la pandémie nous a bien montré ça que on n'était pas assez soudés, on n'était pas assez conscients de notre environnement au sens large, par rapport à la nature, mais aussi à notre environnement immédiat, à nos proches, à notre milieu où on travaille aussi. On n'a pas le temps, pis on le prend pas non plus, de s'arrêter vraiment pis de vivre, de vraiment s'imprégner des informations qu'il y a autour de nous. La crise climatique est une manifestation de cette négligence-là dont on fait preuve depuis beaucoup trop longtemps.

L - Ha oui. Ce qu'on a fait depuis toujours, c'est regarder le plancher pourrir pis mettre des tapis par-dessus pour pas que ça paraisse. Pis là on marchait, c'est un petit peu plus mou ici et là, mais c'est pas grave, on va mettre un tapis de plus. Ça parait pas. La pandémie est venue nous tirer ça sous le pied.

É - Oui.

L - Pis on est tombés le derrière en plein dans le trou de moisissure pis là oups, il y a plein de choses à réparer. Je crois que c'est vraiment stressant pour beaucoup de gens, c'est insécurisant pour beaucoup de gens. Aussi, j'ai l'impression qui en a qui vont peut-être choisir de carrément pas prendre action parce qu’ils sont trop découragés aussi. Parce qu'on a tellement attendu longtemps. Je regarde toi pis moi, dans notre parcours scolaire, on s'est... même si on est jeunes... on ne s'est pas faite outiller tant que ça. Ça fait même pas si longtemps que ça, pis on ne s'est pas fait outiller bin bin par rapport à tout ce qui s'en vient. Puis je regarde après ça... si on regarde nos parents, nos grands-parents, caline, on peut bien trouver que…

É - Il y a un clash.

L - Ils ne sont pas conscients des mêmes choses que nous. Il y a un énorme clash comme tu dis, oui.

É - Bon, on a identifié [Léa rit] énormément d'obstacles, d'irritants par rapport à donner une plus grande place, donc ouvrir les portes des classes à l'environnement, à l'écologie.

L - Oui!

É - Le besoin d'émancipation, d'apprendre plus comment s'émanciper.
Le besoin de retourner aux racines de ce qu'est l'apprentissage : plus de plaisir, plus de curiosité.
Regarder la vérité en face, vraiment se donner la permission de désapprendre ce qui ne nous est plus utile.

L - Pis de faire des erreurs aussi. Pis quand on désapprend ça va venir des erreurs naturellement, c'est normal. Il faut leur apprendre aux jeunes à se pardonner beaucoup plus. Il ne faut pas punir les erreurs, surtout quand ils ont essayé de faire quelque chose. Il faut pas les humilier, faut les encourager : « Tu as essayé quelque chose pis ça n'a pas fonctionné mais tu te rapproches! Tu as essayé. » Faut vraiment valoriser ça. C'est ça aussi qui va faire qu'ils vont s'améliorer pis qu'ils vont devenir des meilleurs citoyens. S'ils apprennent de nos erreurs comme nous on a appris de celles de nos parents pis de nos grands-parents, ça ne va que s'améliorer [rire].

É - Oui, c'est ça, on va toujours pouvoir apprendre plus vite, parce que le monde va toujours de plus en plus vite, le développement économique, l'effondrement des écosystèmes [rires], on ne suit plus! On ne suit plus! Bon, là on a identifié tout ça.

L - Oui.

É - Est-ce qu'on a des pistes de solution? Est-ce que toi tu as identifié des types de normes, de règles, de politiques qui pourraient être mises en place à différentes échelles, ça peut être à l'échelle de la commission scolaire par exemple, autant qu'au niveau gouvernemental provincial, fédéral. Est-ce que toi tu as en tête des règles ou des outils que tu sais que si tu les avais à ta disposition, ça pourrait faciliter l'implantation de développement durable, d'idées d'éco conscience, d'éco responsabilisation?

L - Euh, bin il y en aurait plusieurs. Moi, d'un point de vue professionnel, si j'avais accès à plus de formations. On en a plein de formations en enseignement, sur les troubles de comportement, sur les pédagogies alternatives des fois, des choses comme ça, que la commission scolaire nous fait passer dans l'année. On a un nombre d'heures minimal mais on peut en faire aussi de plus autant qu'on veut, pis ça peut être reconnu par la commission scolaire. Je trouve que quand je regarde les choix, il y en a peu, pour ainsi dire pas que j'ai vu cette année du moins, en lien avec ça, avec l'enseignement écoresponsable je dirais?

É - Oui, l'enseignement plus porté sur l'environnement, bref.

L - Oui, c'est ça. J'ai déjà vu... on m'a déjà parlé de l'approche par la nature que j'adore, mais c'est très nouveau encore et c'est pas accessible dans tous les milieux. Mais, en tout cas, c'est une belle...

É - Et on s'entend qu'en Europe, par exemple, avec les climats qu'ils ont, c'est beaucoup plus accessible beaucoup plus longtemps dans l'année aussi que nous où il y a de la neige et des températures imprévisibles au moins 6 mois dans l'année.

L - C'est ça. 6 mois sur les 10 que les enfants vont à l'école, il y a de la neige. Faut quand-même s'habituer, se préparer. Mais j'en ai vu certains au Québec, dans certaines régions, qui le font puis c'est beaucoup de travail. C'est complètement différent de ce qu'on fait dans les classes et je trouve ça beau. Mais c'est très nouveau, donc c'est encore en formation. Je trouve ça intéressant. Mais des formations plus précises qu'on pourrait utiliser dans nos classes concrètement, je trouve que ça manque. Parce que, comme je disais, on n'a pas... dans mon Bac, on a eu aucune information là-dessus. Ça n'a pas fait partie de notre formation initiale. Je trouve que ça serait très intéressant d'aller chercher ça en développement professionnel.

Ensuite, je sais qu'il y a du travail qui se fait en ce moment par rapport au programme d'éducation au préscolaire primaire. Je sais qu'ils pensaient ajouter une compétence, la compétence numérique qu'ils appellent. C'est une compétence qui vient favoriser le développement de l'esprit critique chez les jeunes, puis comment chercher de l'information, comment vérifier l'exactitude d'une information. Comment citer des sources, comment trouver des bonnes sources, des choses comme ça. Comment se développer dans le contexte technologique actuel. Ils pensent ajouter cette compétence-là parce que c'est une forme de littératie en soi. Complètement. Ça prend un apprentissage structuré parce que les enfants, il y en a qui sont hyper en contact avec ça, et il y en a d'autres que non.

É - Oui et la technologie, c'est un autre domaine qui avance très très vite. On est, 25-trentaine, on est déjà complètement dépassées.

L - Oui, c'est ça. Je veux dire, c'est incroyable ce que ces enfants-là sont capables de faire et de reconnaître à leur âge. Il y a une compétence numérique, je ne sais pas exactement comment ils vont l'appeler, qui est en train de se développer. J'ai eu un enseignant à l'université, moi, dans mon cours sur les technologies de l'information pis de la communication, qui travaillait là-dessus. Il faisait de la recherche là-dessus, il travaillait avec un comité pour en discuter et tout. Ça serait intéressant d'ajouter une compétence environnementale aussi. Ça pourrait être... on pourrait l'intégrer en éthique! Je sais qu'il y a un nouveau programme d'éthique qui va arriver dès l'an prochain. Il y a certaines écoles qui vont être comme les écoles projet pilote, qui vont commenter là-dessus. On n'a pas encore les détails vraiment.

É - Ok. C'est encore très précaire.

L - Le programme d'éthique, ça s'appelle « Éthique et citoyenneté québécoise », je crois? Avec un nom comme ça je sais pas à quel point il y a de la place pour l'environnement.

É - Pour l'inclusion, la diversité.

L - Oui, je ne sais pas, je sais pas du tout. Je ne veux pas m'avancer sur mon opinion de ce programme-là. Ce que je trouve très intéressant, c'est qu'ils changent le programme d'Éthique et culture religieuse parce que ouf! [Émie rit] On était dûs! On était vraiment dûs. Mais j'espère de tout mon coeur que ce qui va être ajouté et beaucoup retravaillé, c'est justement le rôle de chacun sur l'environnement puis...

É - La justice sociale, écologique et tout.

L - Oui, j'espère que ça va être beaucoup retravaillé là-dedans. Je pense que ce serait une belle façon de l'amener en éthique avec les enfants puis avec les adolescents par la suite. Je trouve que passer par le programme d'éthique, ou même par le programme de Science et technologie, ça pourrait se faire. Parce qu'il y a des moyens de faire des beaux projets. Quand j'étais dans mon programme au secondaire, on avait fait un projet. On avait passé toute une étape à parler des sources d'énergies, parce que ça, ça en fait partie des savoirs essentiels : les formes d'énergie.

É - Oui oui! Renouvelables, non renouvelables.

L - Oui, c'est ça. On avait lu des textes là-dessus, on avait parlé de matériaux qui polluent plus que d'autres, on avait fait le lien avec les prix, avec la durabilité des matériaux, pis toute ça, pis l'environnement. À la fin de l'étape, on se faisait mettre en équipe, puis il fallait qu'on construise... on construisait une maquette d'une maison écologique.

É - Wow!

L - Ils appelaient ça « Ta maison écologique ». Et on avait des contraintes. Il faut que ça aille l'air d'une maison. Tu ne peux pas dire : « je vais habiter dans un trou dans la Terre », [Émie rit] ça marche pas. Il fallait vraiment qu'on aille une maison, qu'on aille l'eau, qu'il y ait une façon d'avoir l'eau, qu'il y ait une façon d'avoir de l'électricité. Il y avait des contraintes là-dessus. Puis il fallait qu'on fasse la maquette puis un texte explicatif. Là, on est en secondaire 2. C'est pas si loin, on avait 13 ans, 14 ans. Puis à la fin, on les présentait. On était toute dans la grande salle à l'école, pis nos parents venaient, pis certains groupes de l'école qui étaient intéressés avec leur prof, pis on leur présentait. Ça, c'était vraiment concret, c'était vraiment plaisant.

É - Pis très intersectionnel, interdisciplinaire.

L - Oui, parce que sur ce projet-là, on était évalués en sciences, mais on était évalués aussi en français, pis peut-être même en math à cause de certaines affaires. Je pense qu'on avait compté des trucs par rapport aux prix pis à la consommation. Mettons qu'il nous avait sorti des chiffres de, je sais pas moi, des comptes d'Hydro Québec, pis il fallait compter. Je sais pu, mais on avait... c'était très interdisciplinaire. Pis on était fiers de nous. Je sais pas, ça nous redonnait comme un... Je trouve que faire des projets comme ça en classe, faire imaginer des choses comme ça aux enfants, avec des sources d'information réelles, pis leur faire présenter, ça amène une fierté. Ça amène un sentiment de « Hey, je peux faire quelque chose dans le fond ». Ça, je trouve que c'est tout le temps beau.

É - Oui, des initiatives qui demandent quand-même des ressources, qui demandent des connaissances que vous avez pas appris dans vos cours d'enseignement, pis des collaborations continues entre des enseignantes/enseignants de différentes disciplines. Puis une volonté aussi des élèves de s'impliquer à un niveau qui va mener le projet au bout, à une présentation finale qui va vraiment valoir la peine. Bref, qui va vraiment valider disons les élèves dans leur expérience pour les inciter à vouloir refaire des projets, à avoir de l'ambition dans la bienveillance, dans la solidarité aussi.

L - Et aussi, ça nous ouvre beaucoup l'esprit je trouve quand on fait ça en classe. Même si on était jeunes. C'est pas vrai que je me rappelle de tout ce j'ai dit à 13 ans sur une façon de construire une maison écologique. Moi je ne vais pas construire ma maison écologique à cause de ce projet-là, c'est certain [rire]. Sauf qu'après ça, je voyais... on regardait « Découvertes« », l'émission « Découvertes » qui passait le dimanche soir, et là woop, ils parlent d'énergie solaire, je connais ça! On écoute pis on est curieux et on est contents parce que ça dit des choses qu'on a vues et ça approfondit et ça des liens avec plein d'autres affaires. On se sent impliqué/e/s et on sent que c'est accessible à ce moment-là. Rendre ça accessible je trouve que... parce que ça c'est un autre [point intéressant], on l'a nommé, les personnes plus défavorisées ont moins accès à cette information-là. Je trouve que c'est pour ça que le système public qu'est l'école devrait avoir une obligation, à quelque part, d'en parler.

É - Ouin.

L - Il y en a beaucoup que chez eux ils en parlent pis c'est fantastique. Il y en a chez eux, ils arrivent avec leur petite boîte à lunch, et ils ont leur petits pots réutilisables, ils ont leur gourde réutilisable, leur petit pot de yogourt c'est un petit pot de vitre que maman a rempli. Ça, c'est super mais il y a beaucoup d'enfants que les parents sont débordé/e/s, ils travaillent constamment, donc oui ils vont acheter les paquets de yogourt en plastique. Et oui, ils n'ont peut-être pas les moyens de t'acheter une belle gourde, comment elles s'appellent...

É - Réutilisables.

L - Je sais pas quoi, qui garde ton eau froide pis l’fun. Réutilisable. Il sont peut-être pas tant informés non plus. Ils vont choisir la simplicité. Ils vont pas toute avoir la même connaissance, et c'est dur de dire aux enfants à l'école : « les enfants, essayez de pas utiliser trop d'essuies tout ». Ils arrivent à la maison et maman utilise un essuie-tout et ils lui font la morale. Des fois, on peut se manger des mauvais commentaires des parents à ce moment-là. Parce qu'on ne veut pas non plus [rire] se les mettre à dos et leur donner l'impression qu'on dit à l'école qu'eux font quelque chose de mal chez eux. On ne veut pas monter leur enfants contre eux, on s'entend? Parce qu'il y a beaucoup de couches à ça.

É - Oui oui.

L - Mais je trouve qu'on devrait avoir une base de, comme tu disais tantôt, développer des habitudes saines, mais tu as parlé d'attitudes aussi. L'écologie, je trouve que ça vient aussi d'une attitude. Si tu veux t'améliorer, si tu veux faire attention. C'est sûr que des fois t'as pas le choix. L'enfant a oublié sa gourde chez eux, ça se peut qu'on lui donne un verre en plastique jetable à l'école et qu'il boive dedans pour la journée. Ça arrive. Mais l'attitude c'est : « Oups! J'ai oublié ma bouteille réutilisable chez moi. Il faut que j'y pense demain. »

É - De pas tomber dans le désintéressement, la négligence de dire, comme les masques : « que j'en utilise deux, trois, quatre ou cinq dans ma journée, c'est pas grave. Quelqu'un d'autre aura juste à en utiliser moins. »

L - Ça, j'ai vu ça! Quand je faisais défaire les cordes, je me suis fait dire par une collègue : « Ha, moi je fais pas ça. Au nombre de masques qu'on jette, je trouve ça sert à rien ». C'est son choix personnel dans sa classe. Mais moi je me dis, au nombre de masques qu'on utilise, moi ça me stressait.

É - Pour la même raison, t'as le raisonnement inverse.

L - Ouain, c'est ça. Sans dire aux enfants : « Ah lala tout le monde, il y en a un qui n'a pas défait sa corde de masque dans la poubelle, c'est qui? » Tu ne fais pas ça [rire], ce n'est pas extrême comme ça. Mais quand on passe les masques le midi pis la poubelle pour qu'ils jettent leur vieux masque, juste de dire : « Eh, tout le monde, défaites vos cordes s'il vous plaît, comme ça. » On les défait, on leur montre pis ils le font. Et s'ils y pensent pas, ils y pensent pas mais s'il y en a 25 sur 32 qui l'ont fait, c'est déjà bien. C'est de voir les petites choses qu'on peut faire, pis de pas se décourager, de pas laisser la perfection tuer quelque chose qui est déjà bon.

É - Non c'est ça. Parce qu'il ne faut pas non plus tomber dans l'autre extrême de troquer sans s'en rendre compte la bienveillance pour une culpabilité perpétuelle.

L - Oui, c'est ça. On veut pas donner l'impression aux enfants qu'ils sont épiés pis qu'ils sont des mauvaises personnes s'il font pas le choix le plus écoresponsable à tous moments.

É - Ça revient à la même mentalité : « donne la bonne réponses, sinon t'as une punition ». Pis ça, on a toutes vu que ça a ses moins bons et ses très moins bons côtés [rires].

L - Non, c'est ça.

É - Bon, bin on a quand-même réussi à soulever plusieurs solutions, plusieurs pistes de réflexion qui peuvent être pertinentes. Moi, ce qui m'a marqué surtout, c'est que la collaboration, c'est vraiment la clé. La collaboration des élèves entre eux, entre elles, la collaboration entre le personnel enseignant, mais aussi entre les élèves et le personnel enseignant. Puis aussi d'inclure les parents là-dedans, ça pourrait donner plus de possibilités de faire des lunchs plus écoresponsables, par exemple. Ou d'inclure plus les parents dans les projets, de présenter, d'encourager... ça encourage aussi le sentiment de fierté, la motivation de bien faire les choses, parce que ça en vaut la peine, parce que ça a un impact positif sur soi-même et sur son environnement.

Il y a aussi laisser derrière les connaissances, les habitudes d'enseignement qui sont dépassées pis qu'on sait qui sont dépassées pour vraiment laisser place à la nouveauté, à l'innovation pis vraiment apporter un point, une attention particulière à ce que cette innovation-là soit inclusive, soit bienveillante.

Sinon, stimuler l'imaginaire à tous les âges. Pas avoir peur de stimuler la curiosité, stimuler la solidarité, l'envie d'apprendre à l'extérieur du cadre scolaire mais en utilisant des ressources très concrètes qui vont pouvoir vraiment titiller cette envie d'apprendre-là. Cette envie de transmettre aussi, dans des contextes de tous les jours qui vont être réellement rencontrés par les élèves de tous âges dans leur quotidien. Sur le court terme mais aussi sur le long terme quand ces personnes-là vont devenir citoyennes/citoyens. C'est surtout ce que j'ai retenu.

Pis pas avoir peur d'essayer, pas avoir peur de se tromper. Se donner de la latitude pour l'authenticité, pour la simplicité. Pour la paix d'esprit aussi qui nous manque si souvent pour tant de raisons [Léa rit].

Donc, à partir de toutes ces informations, de tous ces espoirs-là qu'on aurait pour inclure plus l'environnement dans le système scolaire, selon toi, c'est quoi LA meilleure ou LES meilleurs moyens de sensibiliser les jeunes à l'environnement? Les élèves de tous les âges, mais surtout, dans ton contexte précis, les plus jeunes? Qu'est-ce qu'on peut faire, dans un contexte d'apprentissage, concrètement, des petits trucs que toi tu utilises déjà ou que t'aimerais implanter dans les prochaines années avec tes élèves à toi?

L - Je pense que ça part toute de... la chose la plus importante, c'est vraiment nous [le personnel enseignant] de s'éduquer là-dessus, nous de prendre l'initiative puis de développer cet intérêt-là. Si on est intéressé/e, si on est passionné/e par ça, les élèves vont le sentir. Les élèves vont déjà trouver ça plus intéressant. Si on sait de quoi on parle, ça va les accrocher plus. Ça, c'est sûr qu'en partant, c'est vraiment nous, comme professionnel/le/s, de s'intéresser à cet enjeu-là, c'est crucial. Pis j'ai l'impression que tout part de là.

Pour ce qui est des plus petites choses, c'est certain qu'il y a des petits détails, comme je disais :
- réutiliser le plus de contenants possible,
- sensibiliser les élèves à juste notre environnement de classe ou d'école si on voit des déchets par terre, les sensibiliser à : « oh, c'est tu beau une cours d'école quand c'est propre! », « C'est tu beau des déchets par terre? Non, c'est pas beau des déchets [Émie rit]. » Avec les petits, c'est beaucoup ça. Ils voient des déchets par terre et ils font « ouache! » Même si c'est, je sais pas moi, un rectangle de carton. « Ouache, un déchet par terre! Qui a laissé ça là? » Il y en a qui sont tellement drôles. Et là ils vont le jeter, ils vont le mettre au recyclage.
- de faire la différence aussi : « Oh, ça, ça va au recyclage ma belle cocotte. » Elle le met. C'est pas... Les reprendre poliment quand ils font des petites erreurs comme ça. De leur montrer.
- De faire des situations d'apprentissage aussi qui sont explicitement à propos de ça. Par exemple, moi cette année, j'enseignais l'éthique aux première année. À la fin de l'année, on a regardé un film. Parce qu'on fait toutes ça, regarder un film à la fin de l'année [Émie rit]. On a regardé « Drôles d'abeilles », Bee Movie. Pis on a eu une belle discussion après ça sur l'importance des abeilles. C'était drôle, parce qu'il y a des enfants que ce qu'ils avaient retenu c'est que sans les abeilles, le monde devient toute laid. Parce que quand les abeilles arrêtent de travailler dans le film, tous les arbres meurent pis toute devient brun et gris. Il dit : « toute devient toute laite ». Mais tsé, il y a pas juste ça comme problème [rires]. En discutant, ils ont compris que c'est pas juste laite, c'est vraiment pas pratique pour personne aussi. Les animaux ont moins à manger, nous on a moins à manger. Des choses comme ça, de planifier des situations.
- De regarder dans les albums jeunesse, il y en a tellement. Il y en a tellement des beaux albums qui parlent, que ce soit de la surconsommation, comme il y en a d'Élise Gravel. Élise Gravel c'est une auteure vraiment très engagée. C'est vraiment l'fun de regarder ses livres. Elle a, comment ça s'appelle, le « Catalogue du gaspilleur ». Attends un peu. Oui, le « Catalogue des gaspilleurs, pour les gens qui ont des tas d'argent à jeter par les fenêtres ». Ça montre un tas d'objets complètement inutiles. C'est vraiment une belle ouverture sur la surconsommation. Il y a des livres pour les tout petits sur la beauté pis l'importance de la planète Terre qu'on peut utiliser. Le jour de la Terre, c'est pas obligé d'être juste un jour. Moi, quand c'était le jour de la Terre, j'ai travaillé sur le jour de la Terre pendant toute le mois [rire]. Parce que c'est le fun. Il y a tellement de choses à dire, à faire. Regarder les albums jeunesse, planifier des situations d'apprentissage précises et explicites sur l'environnement, puis être passionné du sujet puis s'en informer, je pense que c'est vraiment le principal.

É - Parce que, je trouve ça intéressant de voir... En fait, je trouve ça un peu sournois aussi, parce qu'on dirait qu'il y a comme un cercle vicieux que le système d'éducation ne procure pas aux élèves [en enseignement] les ressources nécessaires pour prioriser l'environnement. Ces élèves-là, comme toi, voient que dans leur parcours académique, ils ne recueillent pas assez de connaissances, de contenu, d'information par rapport à l'environnement. Tu te retrouves à être l'élève qui s'enseigne. T’enseignes désormais…

L- J'apprends presqu'en même temps qu'eux.

É - C'est ça. Tu te retrouves à devoir sortir de ton cadre à la fois académique en tant qu'élève et en tant qu'enseignante pour aller chercher les informations que tu désires réellement transmettre à tes élèves. C'est comme... tout part de l'éducation, en fait. De l'éducation populaire, de l'éducation qu'un parent fait à son enfant, de l'éducation que le personnel enseignant apporte aux élèves. La conclusion à laquelle on arrive au final c'est que le plus primordial de ces liens là, c'est celui de l'enseignant avec lui-même en fait, du personnel enseignant qui s'auto enseigne, bref, ce que le système n'a pas réussi à lui inculquer qui est pourtant considéré socialement comme fondamental pour la suite des choses.

L - Oui, c'est vraiment... tu parlais de charge mentale tantôt, ça s'en est une qui est énorme. Parce que les enseignants, c'est ça, ce qu'on a vécu nous au primaire puis ce qu'on a vécu pendant notre formation à l'université versus ce qu'on rencontre réellement dans les écoles, c'est toute complètement différent. On n'a pas le choix de... on parle souvent que les enseignants travaillent plus que les heures qui sont obligés de travailler, c'est des choses comme ça. Le soir, on cherche des vidéos éducatives, on cherche nous-mêmes à s'informer sur des sujets parce qu'on veut être sûrs de pas dire n'importe quoi à nos élèves, pis la formation qu'on a suivie était clairement pas suffisante. On regarde des vidéos la fin de semaine de top 20 des meilleurs albums pour le jour de la Terre [rire]. Des choses comme ça. Il faut être prêt à s'actualiser pis à se réactualiser. Comme personne, comme professionnel/le. C'est vraiment important, je pense, en général mais en enseignement, on n'a pas le choix. Parce que quand on dit qu'on forme les citoyens de demain, la société n'arrête pas de changer, ça fait qu'il faut constamment former de manière différente des citoyens différents. Il ne faut pas les outiller de la même manière puis nous faut... je comprends pourquoi il y en a tant des enseignants qui sont épuisés. Parce que c'est vraiment un beau travail, c'est vraiment une belle mission, c'est passionnant puis c'est très, très gratifiant au niveau humain de voir des petits êtres se développer comme ça pis devenir le meilleur d'eux-mêmes. C'est vraiment plaisant, mais c'est lourd quand, par exemple, la tâche nous revient pis qu'on est pas tant soutenus par notre centre de services scolaires ou par notre ministère. Le ministère de l'Éducation. Il a des priorités, ce qui est bien. Il n'a pas toujours les mêmes priorités que les gens qui sont sur le terrain, pis je trouve qu'il y a un manque de communication entre les deux qui fait qu'il y a une synergie qui manque. Nous, il y a tellement de choses justement qu'on changerait, qu'on ajouterait, qu'on prendrait plus de temps en classe à faire, à transmettre aux élèves, que le gouvernement a même pas commencé à penser parce qu'on est trop loins dans la chaîne. Il y a comme des petites lacunes à ce niveau-là qu'on n’aura pas le choix de rectifier dans un avenir moyennement proche.

É - Le plus proche possible [rire].

L - Ouin [rire]. Ouin, exactement.

É - Merci Léa d'avoir discuté avec nous de la place de l'environnement dans le système scolaire au Québec.

L - Hey, bin merci!

C’est ce qui conclut notre premier épisode de Éco Alternatives, le podcast. Merci à vous auditeurs et auditrices. Retrouvez le dictionnaire des alternatives à ecoalternatives.ca. Nous sommes également sur Facebook sous le nom d’utilisateur @ecoalternativesqc. Pour toutes suggestions de thèmes de podcast, pour soumettre un article pour notre blogue ou pour toute autre question ou commentaire, n’hésitez pas à nous écrire par courriel à ecoalternatives@tutamail.com. Merci d’avoir été là! Bonne fin de journée.

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