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Enjeux de l’alimentation végétalienne: le véganisme blanc

January 26, 2022

N.B. : Cet article est le premier d'une série qui analyse les enjeux écologiques et sociaux liés au végétalisme et au véganisme. Le but de cette série n’est pas de déterminer ce qui doit être consommé par qui et quand, mais bien comment s’assurer d’adopter une alimentation qui répond à ses envies et ses besoins tout en respectant ses valeurs et ses convictions.

Le véganisme et le végétalisme sont vus par beaucoup comme un moyen efficace de réduire son empreinte écologique.1,2,3 Lorsque l’on adopte un mode de vie ou une alimentation sans produits animaliers, il faut faire attention de ne pas ignorer ou diminuer les religions, cultures et mouvements de pensée qui sont à l’origine des régimes alimentaires sans produits animaliers. En effet, le véganisme n'a pas été inventé par les célébrités occidentales du 21e siècle. Avant d'être une mode, contrôler sa consommation de produits animaliers est un acte de responsabilité écologique ET sociale.


Qu'est-ce que le véganisme blanc?

Le véganisme occidental lissé et esthétique que l’on voit sur les réseaux sociaux, aussi appelé véganisme blanc, est un privilège. Ce mode de vie est déconnecté de la nature, irréaliste et inaccessible pour beaucoup de personnes : à faible revenu, qui n’ont pas le temps ou l’espace pour cuisiner, qui ont un accès restreint à la nourriture en général, qui, pour des raisons culturelles, de santé ou religieuses, ne peuvent s’orienter vers une alimentation sans produits animaliers, etc.4,5

Inaccessible

Zipporahthevegan écrit à ce sujet (traduction libre) : « [Le véganisme blanc] permet aux gens (habituellement des personnes blanches) de rabaisser les autres sous le couvert de la “bonne cause” de la libération animale. Le problème est qu’on ne peut réellement défendre les intérêts d’un groupe marginalisé (les animaux non-humains) s’il nous est impossible d’étendre cette compassion à d’autres groupes marginalisés (les humains). »6

Injuste

Dans le Podcast de Bouffons sur le véganisme blanc, l’activiste afro-végane Charlotte (Mangeuse d’herbe) parle du spécisme comme une première forme toxique de hiérarchisation aléatoire à laquelle les enfants sont exposé.e.s en bas âge, et que le racisme d’hier et d’aujourd’hui repose sur une mentalité similaire. La colonisation a effacé de plusieurs cultures une alimentation végétale qui existait bien avant que le terme véganisme ne soit inventé, puis utilisé de nos jours par plusieurs influenceuses et influenceurs blanc.he.s pour capitaliser sur ce concept autrefois basé sur la spiritualité, le respect, et l’harmonie avec l’environnement.7

D’un autre côté, il peut être moralement discutable pour des personnes bien nanties d’exiger l’arrêt de la chasse, de la pêche et de la cuisine carnée dans les pays exploités qui en dépendent culturellement ou financièrement, alors que ce sont les pays ayant le plus de ressources qui polluent le plus et les pays exploités qui en subissent le plus les conséquences (traduction libre) :

« La question qui se pose est donc : à quel point peut-il être justifié ou non que les pays du Nord demandent à ceux du Sud de sacrifier leurs identités culturelles dans le but de freiner les dommages environnementaux? La rhétorique épousée par le Nord cache le fait que ce sont généralement les pays du Nord qui sont les principaux responsables des impacts négatifs sur l’environnement, comme la pollution, l'acidification et la déforestation [...] pourtant les pays du Sud souffrent démesurément des conséquences, et les cultures du sud sont celles qui se font demander d’ajuster leurs pratiques afin de limiter les dégâts. »8

Alors, le véganisme, c’est oui ou non?

Ça dépend de chaque personne. Si le végétalisme ou le véganisme vous semble être un bon moyen pour vous de réduire votre empreinte écologique, rien ne vous empêche de l’essayer. Il faut toutefois s’assurer que vos efforts pour l’environnement ne viendront pas renforcer des injustices sociales. Malheureusement, il n’y a pas de recette miracle face aux maux des animaux. Par contre, il existe des centaines de façons de réduire son empreinte écologique. Chaque communauté et chaque écosystème requiert un type d’intervention personnalisé. Il ne faut pas non plus oublier que certaines personnes adoptent une alimentation végétalienne pour des raisons autres qu’écologiques : pour des raisons de santé, pour des motifs moraux ou spirituels, ou autres.9

Afin d’avoir une vision équilibrée et riche des différentes façons d’adopter le végétarisme/végétalisme, Eco Alternatives vous propose de :
- Faire des recherches sur les multiples raisons qui poussent les personnes de différentes cultures, strates d’âge et de revenu à réduire ou arrêter leur consommation de produits animaliers.
- Respecter les croyances, les motifs et les choix de chacun·e, sans chercher à hiérarchiser ou critiquer les différentes alternatives aux produits animaliers commerciaux.
- Avant de proposer le végétalisme à quelqu’un, prendre conscience de ses propres privilèges et de ses responsabilités.
- Éviter, dans l’alimentation ou dans quoi que ce soit d’autre, de réduire les options à tout ou rien, à ce qui est bien ou mal, végane ou carné, approprié ou répugnant. Il existe une variété de régimes alimentaires et de modes de vie qui ont tous leurs avantages et leurs inconvénients.10

Vous songez à modifier votre alimentation? Assurez-vous d’avoir un apport nutritionnel suffisant quotidiennement et un régime équilibré qui correspond à vos besoins personnels. Puisque chaque corps est différent, il est préférable de se renseigner auprès d’une personne professionnelle qui connaît votre situation.

Sources

1 - Écoquartier Rosemont - La Petite-Patrie, Repenser sa consommation de viande : un grand coup pouce pour l’environnement

2 - Geoff Horsfield, More meat means more land use and even more greenhouse gases, 5 janvier 2022

3 - Pauline Moullot, pour CheckNews (Libération), Les végétaliens et vegans ont-il un impact environnemental moins important que ceux qui mangent de la viande?, 20 mars 2018

4 - Jenna Ruzekowicz (The Standford Daily), White veganism, 7 février 2020

5 - Juliana Yazbeck (Medium), The Problem with White Veganism

6 - Zipporah de zipporah the vegan, White Veganism, 26 avril 2020

7 - Émilie Laystary (Bouffons), Pour en finir avec la véganisme blanc, podcast #118

8 - Voir référence #4

9 - Mathieu (Sciencensemble), Être vegan, pour… ou contre ?, 23 juillet 2020

10 - Voir référence #9